Fin janvier, j’ai déjà oublié la date exacte, Maman n’annonçait par téléphone que lors d’examens médicaux suite à une « gastro » persistante, on lui avait trouvé des nodules sur le foie. J’ai de suite eu les larmes aux yeux car dans mon esprit une « cochonnerie » au foie n’était pas bon signe… Elle m’a rassurée en me disant que nodules cela ne voulait pas dire que c’etait mauvais… et qu’elle devait faire un scanner pour en savoir plus.
J’ai ensuite appelée Marie, mon amie médecin, pour me rassurer. Elle m’a également expliqué qu’en effet cela pouvait être très mauvais comme anodin et qu’il fallait attendre d’en savoir plus pour se prononcer…
Le jour du scanner, j’ai pris ma journée et je suis venue à Dijon où Maman habite pour l’accompagner. Nous nous sommes rendues ensemble au scanner et la lecture du compte rendu ne nous a rien dit…Il n’y avait pas de mot tels que tumeurs, cancer et j’ai fait mon possible pour rassurer Maman qui est partie à son cours (elle est enseignante) normalement. Pendant ce temps, j’ai rappelée ma fidèle Marie car il y avait quand meme le mot « masse » qui m’intriguait…J’ai insisté auprès d’elle pour qu’elle me dise la vérité…et le terrible diagnostic est tombé cancer du pancréas avec métastases sur le foie !
J’ai errée pendant une heure en ville en attendant le rdv avec Maman pour déjeuner à Flunch. Je n’ai pas voulu me permettre de pleurer pour qu’elle ne voit pas ce que je savais… J’ai appelé mon frère Pat, je lui ai annoncé, ca me fait du bien de pouvoir partager avec lui … Ensuite j’ai appelé mon mari, Erwan et mon amie d’enfance Isabelle dont le Papa est suivi a Dijon par un cancérologue pour le foie.
L’heure du déjeuner a été terrible … Il a fallu maintenir un ton léger alors que je voyais bien qu’elle se faisait de son côté du soucis. Je lui ai proposé d’appeler le gastro entérologue pour avancer notre rdv d’interprétation. Il a accepté.
A 16 h nous sommes rentrées dans son bureau. Le docteur M, grand, mon age environ (j’ai 38 ans) était emprunté, on le sentait mal à l’aise et là il nous a confirmé ce que je savais déjà. J’avais demandé à Marie de me le dire avant pour ne pas craquer et pouvoir soutenir Maman au mieux. Mais jusqu’au bout j’ai espéré qu’elle s’était trompé et quand le verdict est tombé Maman s’est écrié, ils ont déjà perdu leur père, ce n’est pas possible !
Là je me suis à mon tour effondrée, il nous a expliqué que c’était une maladie au pronostic très mauvais mais qu’il y a avait des cas de guérison… Il nous a annoncé que la tumeur était trop importante (5-7 cm) pour pouvoir opérer et que le traitement par chimiothérapie était la seule façon de se battre à la fois sur le pancréas et sur le foie. Il nous a ensuite expliqué qu’il allait faire une ponction en clinique et que par la suite il nous ferait suivre à la clinique BJ de Dijon. Pendant que Maman reprenait rdv pour la ponction, je suis sortie pleurer car je n’en pouvais plus… Aujourd’hui, encore, en revivant par écrit ces moments là, j’ai la même boule au fond de la gorge qui donne envie de vomir..
Nous somme rentrées à pied, en nous soutenant… Arrivées devant son bureau de tabac, elle m’a demandé d’aller voir le buraliste pour arreter sa commande chaque jeudi du journal El Pais… Puis nous avons appelé le docteur L, sa voisine et médecin de famille qui nous a reçu très vite… Elle nous a expliqué que le traitement par chimio allait beaucoup altérer l’état de Maman et que si c’était possible il valait mieux qu’elle ne reste pas seule. J’ai alors, sans en parler avec Erwan, dit qu’il n’y avait pas de soucis et que Maman pouvait s’installer chez moi. Le docteur L a été pendant toute cette consultation rassurante et apaisante.
Nous avons passé la soirée ensemble, je ne me souviens plus comment, si ce n’est que, j’ai eu dans l’après midi mon amie Marie qui m’a dirigé sur un oncologue réputé pour son humanité et son efficacité, le Docteur JPM, avec qui j’ai pris rdv pour Maman le 05 février.
Le lendemain, je suis repartie travailler à Lyon et le soir j’ai retrouvé Erwan et les enfants. J’ai pleuré toute la journée au bureau et je suis allée en urgence voir mon medecin pour me faire arreter et doper pour pouvoir tenir le coup devant Maman. Pendant 2 jours j’ai pleuré en cachette de mes enfants que je ne voulais pas alerter non plus…
Le mercredi soit le 23 janvier Maman a eu sa ponction et le vendredi je la retrouvais a dijon pour l’aider à préparer ses affaires afin de s’installer chez nous pendant tout le traitement.
Entre temps, j’ai longuement navigué sur internet pour en savoir plus sur cette maladie. A chaque fois, il me semblait comprendre que la seule guérison possible était après opération mais je ne voulais pas le croire. J’avais plein de questions mais je me suis mis comme règle d’or de ne les poser au corps médical qu’en dehors de la présence de Maman afin de respecter le rythme qu’elle choisirait pour être confrontée à sa réalité…
Quand nous avons quitté Dijon, cela fut dur car elle craignait de ne pas revenir et c’est avec une petite voix qu’elle m’a dit : » tu me ramèneras de temps en temps, hein ? »
Le 05 février, nous avons donc rencontré le docteur JPM et la réalité est vraiment à la hauteur de sa réputation. Il nous a expliqué qu’il allait entamer un protocole du nom de GEMOX avec 4 séances afin de réduire la taille de la tumeur du pancréas et tenter d’éradiquer les nodules du foie. Il ne parle pas beaucoup mais la chaleur humaine qui se dégage de chacun de ses gestes est fortifiante pour ceux qui l’écoutent.
Le 08 février, Maman s’est fait implanté un site sous la clavicule afin de pouvoir procéder à toutes les séances de chimio et le mardi suivant elle entamait sa premiere séance à intervalles de 15 jours.
C’est le 11 février que j’ai rencontré seule le docteur JPM. Il m’a alors dit qu’il allait être important que nous communiquions seuls car il fallait que je sois consciente qu’il n’y avait pas de guérison possible dans le cas de Maman et qu’il était cependant primordial qu’elle ait une fenêtre ouverte devant elle pour l’aider à avancer. Quelle horreur d’entendre une telle chose même si je l’avais compris au fond de moi depuis quelques temps… Il m’a ensuite fallu l’annoncer à Pat, mon frère, à Coco le frere de Maman… Je ne sais pas comment je fais mais j’arrive a garder ça au fond de moi et à ne pas l’exterioriser avec Maman…J’ai alors évoqué d’autres medecines alternatives pour soulager et accompagner maman. Il a été très ouvert et m’a dit que même l’effet placebo pouvait faire du bien et que tant qu’on ne me preconisait pas d’arreter la chimio, il serait d’accord…
Pendant toutes ces chimios maman a eu la chance d’avoir toujours une amie qui est venue s’installer a la maison pour etre auprès d’elle le jour J et les jours suivants qui ont été les plus difficiles. J’ai alors mis en place un système de mails pour tous les amis de Maman afin de les tenir informés de l’évolution des choses sans jamais leur dire la vérité de peur qu’ils ne laissent transparaitre quoi que ce soit, ne serait ce qu’un regard trop mouillé !
La vérité… de quel droit je la prive de ça ? je me pose la question souvent et pourtant je continue a vouloir la protéger, à défaut de la maladie, au moins de cette terrible vérité… Je me dis parfois qu’elle est peut être tout a fait consciente de l’inexorabilité de son sort et que de son coté elle cherche aussi a me protéger… dans le doute, je continue !
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